La Mousse

François Graner - site personnel
LA MOUSSE
François GRANER, Directeur de recherche au CNRS
La Recherche, 345, 46-49, septembre 2001.
Version espagnole : "La espuma", Mundo Cientifico 228, 70-73, 2001.
Réédité dans "La physique en 18 mots-clés", La Recherche Hors-série n°1, septembre 2005.
Réédité sous forme de livre, "La physique en 18 mots-clés, et tout devient simple",
Dunod / La Recherche, 2009.
"Pao muo", traduction en chinois par Wang Dazhi dans "Wu li de 18 ge guan jian ci",
Shanghai Scientific and Technological Literature Publishing House, 2010.

Distraitement, on la mange, on la boit, on s'en frictionne. Elle a envahi notre vie quotidienne depuis des siècles. Portrait des multiples facettes d'une discrète matière, certes futile mais utile.


Une mousse liquide, qu'est-ce que c'est ?

C’est un groupe de bulles qui, chacune, enferme un peu de gaz. Les mousses sont omniprésentes dans notre environnement quotidien : dans les produits de rasage, les shampooings, les bains moussants bien sûr, mais aussi dans une bouteille de lait qu'on secoue ou à la surface d'un expresso.

Regardez une mousse de près : le gaz des différentes bulles ne communique pas. En revanche, l'eau qui entoure les bulles constitue un chemin continu qui communique d'un bout à l'autre de la mousse.

Dans une bière blonde ou une mousse de liquide vaisselle, il y a beaucoup d'air et à peine quelques pourcents d'eau : ce type de mousse est peu dense, la paroi des bulles est fine, les arêtes bien marquées. Les bières brunes ou la mousse à raser sont différentes : elles contiennent plus d'eau, les bulles sont loin les unes des autres et sont bien rondes.

Qu'est-ce qui détermine la forme des bulles ?

Laissez votre œil vagabonder sur la mousse au fond de votre évier : vous constaterez que les bulles ont une diversité étonnante de formes. Comment l'expliquer ? Chacun sait que, lorsqu’une bulle de savon est toute seule, sa forme est simple : c'est une sphère. En effet, l'énergie d'un film de savon est proportionnelle à sa surface. Il est moins coûteux en énergie, donc plus favorable, d'avoir la surface la plus petite possible. Si un film tend naturellement à se rétracter, l'air enfermé empêche de trop réduire le volume de la bulle. Le film prend alors la forme dont la surface est la plus petite possible pour un volume donné : une sphère.

Maintenant, assemblez de nombreuses bulles. C'est désormais la surface totale des films de savon qu'il faut minimiser. Puisqu’il faut tenir compte du gaz enfermé dans chaque bulle individuelle, la situation devient rapidement plus compliquée. Si chaque bulle, pour avoir la surface la plus petite possible, tend à être ronde et régulière, deux facteurs s'y opposent.

D'une part, pour atteindre son but, une bulle doit pousser ses voisines, mais lesdites voisines résistent puisque cela les rendrait concaves, augmentant leur surface. D'autre part, si une bulle est grande, elle doit, pour avoir une forme régulière, disposer de grandes parois. Deux voisines de tailles différentes doivent donc partager une paroi commune de taille intermédiaire. En résumé, qu'il s'agisse de leur courbure ou de leur taille, les murs mitoyens résultent, comme toujours, d'un compromis entre voisins. C'est ce que les mathématiciens appellent le problème du périmètre minimal. Ils ont pu prouver que les films de savon se rencontrent trois par trois en faisant un angle de 120°, comme on peut le vérifier à l'œil. On le comprend intuitivement si on se représente les parois comme des films tendus, en équilibre, chacun tirant avec la même tension.

Sur un café, pourquoi la mousse s'accumule-t-elle au bord de la tasse ?

Observez attentivement des bulles à la surface d'une tasse de café : elles dérivent lentement et se regroupent côte à côte, sur le bord de la tasse. En regardant de près, vous constaterez qu’une bulle libre déforme un peu la surface de l'eau : l'eau monte autour de la bulle. Si deux bulles sont loin l'une de l'autre, l'eau est déformée en deux endroits ; au contraire, si les deux bulles sont proches, la surface de l'eau ne subit qu'une seule déformation, ce qui coûte moins d'énergie. Les deux bulles tendent donc à s'attirer, ce qui les fait dériver l'une vers l'autre.

L'effet d'une paroi est similaire. On voit à l'œil nu que l'eau monte d'un ou deux millimètres le long de la paroi. Quand la bulle en est loin, elle ne sent pas cet effet, mais, si la bulle dérive, il se peut qu’elle le perçoive : elle se rapproche alors de la paroi pour diminuer la déformation totale, et on la voit même se rapprocher de plus en plus vite.

Un jour, tandis que je faisais la vaisselle, l'évier était mal bouché. Il fuyait légèrement ; de petites bulles d'air entraient donc régulièrement par le fond. Chaque nouvelle venue s'agglutinait aux précédentes. J'ai pu ainsi observer un élégant radeau de bulles, qui a lentement dérivé en bloc vers les bords de l'évier. Essayez !

Si vous êtes d'esprit curieux, préparez aussi une mousse dans une casserole ou une poêle anti-adhésive revêtue de téflon. L'eau mouille mal le téflon et tend à descendre le long des parois, au lieu de monter. Cette fois-ci, approcher une bulle de la paroi coûte donc de l'énergie : qu’observez-vous ?

Une mousse, c'est un liquide, oui ou non ?

A une telle question, on ne peut fournir qu’une réponse de normand. Faites par exemple sortir de la mousse à raser d'une bombe et déposez-la dans votre main. La mousse a une forme. Elle la conserve, comme le ferait un solide, même si vous renversez votre main avec la paume vers le bas : on dit qu'elle est élastique. Ensuite, appliquez-y fermement votre doigt ; cette fois, elle s'adapte et conserve la déformation que vous avez imprimée. Elle est devenue plastique ; c'est ainsi, en dessinant un trèfle du bout du doigt sur la mousse, qu'un barman irlandais prouve qu'un verre de bière pression a été bien tiré. Enfin, si vous la cisaillez rapidement avec une lame de rasoir, elle s'écoule comme un fluide, ce qui vous permet de l'évacuer.

Ce triple comportement, élastique, plastique et fluide, est surprenant, si l'on veut bien se souvenir que la mousse n'est faite que d'un mélange de liquide et de gaz. Il stimule de nombreuses recherches actuelles, car on ne le comprend pas encore bien. Ce qui n'empêche pas de l'utiliser en pratique.

On tire par exemple parti des propriétés solides lors d'un accident chimique ou nucléaire : on entoure de mousse le produit dangereux, pour l'immobiliser et le confiner. En temps que plastique, les mousses sont d'excellents amortisseurs. On le vérifie facilement en secouant une bouteille pleine de mousse : en plaçant son doigt à l'orifice, on ne sent presque rien. Les démineurs amortissent avec des mousses les ondes de choc lors d'une explosion et, de la même façon, on se protège des coups de grisou dans les mines de charbon. En s'écoulant comme un fluide, la mousse pénètre dans les moindres recoins des tuyaux, même s'ils ont des formes biscornues. C'est apprécié en nettoyage industriel, particulièrement dans le nucléaire. En effet, on doit décontaminer le fluide de nettoyage après usage : si c'est de la mousse, il y a beaucoup moins de quantité à traiter que si l'on a nettoyé à grande eau. Enfin, on peut astucieusement combiner les plaisirs, par exemple en couvrant un pare-brise d'avion d'une épaisse couche de mousse de dégivrage : dès que l'avion démarre, sous l'effet du vent, elle s'évacue en s'écoulant.

Comment une mousse se forme-t-elle ?

La recette est simple en principe : il faut mélanger de l'eau et du gaz. Une possibilité consiste bien sûr à partir d'un gaz dissous dans l'eau sous pression. Dès qu'on relâche la pression, le gaz part : la mousse à raser sort ainsi de la bombe. Dans le champagne, il s'agit du gaz carbonique formé par la fermentation. De même pour la majorité des bières. Quelques exceptions, en particulier irlandaises, utilisent un gaz moins soluble dans l'eau, comme l'azote, pour rendre leur mousse ferme et durable ; en ce cas, dans une canette, il faut introduire une cartouche sous pression contenant le gaz insoluble. Une variante consiste à mélanger des produits chimiques ; quand on le décide, par exemple en chauffant, se déclenche une réaction chimique qui dégage rapidement du gaz : c'est une des meilleures méthodes pour préparer des mousses métalliques, à l'aluminium ou au plomb.

Une autre méthode fait appel à un mélange mécanique. On l'utilise souvent pour l'eau et l'air, qu'on bat ensemble. Ou bien on fait buller de l'air dans l'eau. On peut aussi pomper l'eau pour la faire passer dans l'air, à travers des petits trous, comme dans les lances à incendie. En contrôlant précisément la pression de l'eau et l'arrivée d'air, des laboratoires obtiennent de façon reproductible d'excellentes mousses homogènes destinées à la recherche.

Qu'est-ce qui fait tenir la mousse ?

Il ne suffit pas de former une mousse, encore faut-il qu'elle dure. L'écume des vagues est une mousse ô combien éphémère. En revanche, si la mer est polluée par les rejets de nos machines à laver, elle forme une mousse qui persiste bien trop longtemps à notre goût. Qu'est-ce qui fait la différence ?

Le secret de la mousse repose sur les propriétés de molécules bien particulières. On les appelle “ amphiphiles ” car à la fois elles aiment et n'aiment pas l'eau. Plus précisément, elles ont deux parties : une tête soluble dans l'eau, appelée “hydrophile”, et une longue queue de 10 à 20 atomes de carbone, sans affinité pour l'eau, dite “hydrophobe”.

Avez-vous observé que le produit vaisselle apprécie de s'étaler à la surface de l'eau ? Ses molécules se disposent avec leur tête dans l'eau et leur queue dans l'air. Elles forment ainsi une couche monomoléculaire dont l’épaisseur est celle d'une queue carbonée : quoique longue à l'échelle des molécules, elle ne dépasse guère quelques nanomètres, c'est-à-dire quelques millionièmes de millimètre. Cela explique qu'un faible volume de produit vaisselle usuel, disons une goutte, de 50 millimètres cubes, peut aisément couvrir des dizaines de mètres carrés. Quel est le rôle d'une telle couche ?

Dans un film de savon (voir figure), il y a essentiellement un film d'eau. Il est couvert de part et d'autre par une monocouche de molécules amphiphiles. Leurs queues sont dirigées vers l'extérieur, dans l'air. Leurs têtes sont vers l'intérieur puisqu'elles aiment être dans l'eau. Elles ont deux effets principaux. D'une part, les deux monocouches forment des parois qui confinent l'eau. L'écoulement de l'eau au sein de chaque film de savon, c'est-à-dire le drainage de la mousse, est donc plus lent : la mousse met plus de temps à sécher. D'autre part, une fois que la mousse est sèche, chaque film est très fin. Ce sont les molécules amphiphiles qui l'empêchent de claquer, car les deux couches de molécules, situées de part et d'autre du film, se repoussent entre elles.

Les molécules amphiphiles ont un troisième rôle, certes moins essentiel, mais bien pratique : elles favorisent la fabrication de la mousse. Créer une interface entre l'eau et l'air nécessite de fournir une énergie importante : la couche de molécules amphiphiles, qui sert d'intermédiaire entre l'eau et l'air, divise par dix ou vingt ce coût en énergie. Il est bien plus facile de faire mousser l'eau savonneuse que l'eau pure, n’est-ce pas ?

La mousse résiste mieux en eau propre qu'en eau sale. On le voit bien dans un bain moussant. L'explication semble être que des impuretés puissent amincir les films de savon et favoriser leur brisure. Même si on le comprend mal, on utilise cet effet : on incorpore des impuretés, dites anti-mousses, chaque fois qu'une mousse indésirable ou polluante se forme. C'est le cas lors de la fabrication de certains liquides industriels, comme des huiles ou des peintures à l'eau. L'estomac, dans certains cas d'hyperacidité, sécrète une mousse : pour qu'un médicament soit administré efficacement aux cellules de la paroi de l'estomac, il doit alors être accompagné d'un anti-moussant.

Quelles molécules moussantes a-t-on à la maison ?

Toute une variété de molécules peut faire mousser, pas seulement celles des produits détergents. C'est le cas de nombreuses protéines, par exemple de l'urée, comme on le constate facilement. Dans une mousse au chocolat, ce sont bien sûr les protéines du blanc d'œuf qui jouent ce rôle ; le champagne et la bière doivent leur collerette à leurs protéines, la chantilly bénéficie de celles du lait.

Y a-t-il besoin de mousse pour bien laver ? Non, pas spécialement. Disons plutôt que les molécules qui permettent de laver sont en général moussantes, car amphiphiles. En effet, un rinçage à l'eau pure ne suffit pas à évacuer la graisse. Pour nettoyer des assiettes grasses ou une tache de cambouis, il faut des molécules amphiphiles. Elles seules, en se plaçant à l'interface eau-graisse, permettent que des gouttes de graisse se mélangent à l'eau.

Avec de l'eau et de la graisse, on obtient un mélange de principe tout à fait analogue à une mousse, mais bien sûr plus dense : une émulsion, dont la crème fraîche est un exemple. La lécithine, molécule encore plus amphiphile que les protéines, entre dans la fabrication de nombreuses émulsions alimentaires. Ainsi, pour la mayonnaise faite main, la lécithine est fournie par le jaune d'œuf. Les industriels utilisent de la lécithine de soja pour le chocolat, ainsi que pour une variété considérable d'aliments, ce qui pose d'ailleurs quelques problèmes pour tracer le soja transgénique : amusez-vous à repérer sa présence sur diverses étiquettes, comme celles des paquets de biscuits.

Et à part ça, à quoi ça sert, une mousse ?

Eh bien, on n'a sûrement pas encore épuisé toutes les possibilités qu'elles offrent ! Actuellement, c'est l'industrie minière qui en utilise le plus. Dans des bassins de flottaison de cent mètres cubes, alignés dans d'immenses entrepôts, la mousse vient se fixer sur le minerai, permettant de le séparer de sa gangue inutile. Elle l'emporte vers la surface de l'eau, car elle est très peu dense.

Dans d'autres types de séparations basés sur la faible densité des mousses, en particulier en chimie, on exploite aussi le fait qu'une mousse ne contient que quelques pourcents d'eau, donc est facile à sécher industriellement. C'est encore l'économie associée au séchage, liée à un excellent pouvoir couvrant, qui fait choisir les mousses pour les traitements des fibres : pour imperméabiliser un tissu, par exemple. Cette bonne capacité à répartir le produit actif, moyennant une faible quantité de matière, est utilisée dans les mousses spermicides, parfois aussi dans les traitements des récoltes agricoles, pour limiter les rejets polluants.

Ce pouvoir couvrant est évidemment l'une des raisons de l'utilisation de mousse par les pompiers. Ainsi, des bateaux spéciaux peuvent intervenir sur une plate-forme pétrolière en flammes et la recouvrir en peu de temps de mousse formée d'eau de mer. La mousse flotte en surface, et bloque suffisamment l'arrivée d'oxygène pour éteindre le feu. Comme elle fait moins de dégâts que de l'eau, on l'utilise aussi pour des incendies de lieux à préserver, comme des salles d'archives ; dans le cas où des personnes sont bloquées en milieu confiné, elle peut se révéler vitale, en particulier par l'air qu'elle contient.

Pourquoi fait-on durcir des mousses ?

Une mousse liquide n'est jamais éternelle. Tout au plus peut-on espérer la stabiliser pendant quelques heures à quelques jours, selon le stockage et l'utilisation envisagés. Au-delà, il est indispensable de la faire durcir. Est-ce qu'une telle mousse solidifiée est utile ?

Oui : regardez sur quoi vous êtes assis(e). Il est fort probable qu'il s'agisse d'une mousse. Dormez-vous également sur une mousse ? Les mousses de rembourrage, à base de polymère, sont bien confortables. Comme l’avait remarqué Gustave Eiffel, les structures cellulaires forment des matériaux résistants avec une masse modérée. Ce sont également de bons isolants acoustiques, puisque le son se propage mal dans les alternances d'air et de matière. Même les fractures s'y propagent mal : il existe ainsi une mousse de verre très futuriste qu'on peut jeter par terre sans qu'elle se casse ! De plus en plus de matériaux cellulaires apparaissent ainsi dans le bâtiment, l'aéronautique ou l'automobile.

Par exemple, grâce à une réaction chimique qui dégage de l'hydrogène dans de l'aluminium fondu, on obtient une mousse qu'on solidifie rapidement. Grâce à sa capacité à encaisser un coup, elle constitue un excellent pare-chocs. On peut choisir de l'usiner a posteriori, mais on peut tout aussi bien la fabriquer à l'intérieur d'un moule de forme quelconque : elle s'agrandit jusqu'à remplir complètement le moule, puis durcit. C'est aussi ce qu'on fait avec les bombes de mousse en polyuréthane : en remplissant les interstices, elles assurent l'isolation thermique des toits et des greniers. Idem, en remplissant un pneu crevé, on lui permet de rouler à nouveau.

Une mousse, même si son volume est faible, offre une grande surface de contact avec l'air. Ainsi, les mousses de platine catalysent efficacement des réactions chimiques en phase gazeuse. Les éponges naturelles ou artificielles se remplissent d'eau car elles offrent une grande surface mouillable. Les mousses végétales, véritable échangeur avec l'atmosphère, ont servi de témoin des rejets nucléaires autour de La Hague.

Une mousse durcie, meringue, marshmallow, etc., est aussi agréable à manger qu'une mousse liquide l'est à boire. Dans le pain ou le cake, la chaleur fait aussi bien lever, c'est-à-dire mousser, que durcir par cuisson. C'est également le cas des beignets de crevettes dans l'huile de friture : à notre grande surprise, ils gonflent en un clin d'œil. Dans le capuccino, c'est la même vapeur qui forme et cuit la mousse. Biscuits apéritifs soufflés, barres chocolatées : l'image de légèreté nous fait saliver.

Qu’est-ce qui fait la beauté d'une mousse ?

La mousse fait partie de ces domaines où l'esthétique et les sciences se rejoignent. Par exemple, la mousse de savon donne la curieuse impression de mélanger l'ordre et le désordre. Examiné de près, chaque film a une forme exactement optimale. En revanche, si l'on regarde quelques bulles à la fois, on ressent un ordre entre elles, mais sans perfection. L'observation attentive des mousses a confirmé l'idée que le désordre et les défauts font partie de la nature. Enfin, si l'on considère la mousse de loin, on a la sensation d'un amas de bulles incontrôlé.

En tant que matériau, son mélange de consistance solide et fluide déconcerte. Sous l'effet du moindre souffle d'air, elle se met à osciller. Comment le perçoit-on ? Par d'autres propriétés de la mousse : par sa façon de réfléchir et diffuser la lumière ; par ses irisations changeantes dues à la minceur de ses films. Sa faible densité lui confère un aspect léger et aérien. Certaines pierres ponces, donc des mousses solides, comme les réticulites de La Réunion, sont de véritables bijoux naturels : constituée à 97% d'air, donc ne pesant presque rien, chacune constitue une petite œuvre d'art qu'on rêverait de plaquer en or. L'image de fugacité, de construction éphémère, inspire largement la littérature et la poésie.

Le plaisir intellectuel que j'éprouve en étudiant ces objets vient de la variété de ces facettes différentes : du métallurgiste au mathématicien, du cuisinier au pétrolier, du physico-chimiste au cinéaste, la mousse en a pour tous les goûts. J’espère, par ce tour d'horizon, vous l'avoir fait partager, sans déflorer le minuscule plaisir de votre prochaine gorgée de bière.

A lire :

D. Weaire, De la bulle à la mousse, La Recherche 273 (mars 1995) volume 26, page 246-252.

Figure :

Un film de savon est essentiellement un mince film d'eau. Il est recouvert, de part et d'autre, par une très fine couche de molécules (insert) qu'on appelle "amphiphiles" : une partie aime l'eau, l'autre aime l'air.