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Retour vers Le cothurne étroit

Panamanière de...

1. El Defiscalizado (Bernard Maréchal)

2. Le fraudeur du canal (Françoise Guichard)

3. Les Évadants (Marc Boizeau)

4. Demain, des fraudes (Nicolas Graner)

5. Rappelle-toi Panama (Nicolas Graner)

6. Spleen V, ou : À une Panamaise (Bernard Maréchal)

7. Mon bisness (Noël Bernard)

8. Heureux qui, comme en Suisse (Françoise Guichard)

9. Quand vous serez bien riche (Bernard Maréchal)

10. Panama (Bernard Maréchal)

11. Le Panamal (Bernard Maréchal)

12. L'homme et l'outre-mer (Françoise Guichard)

13. Le bateau libre (Bernard Maréchal)

14. La vie panaméenne (Hzenon)

15. Ballade des meilleurs plans (Françoise Delbos)

16. Ballade des fans du paradis (Nicolas Graner)

17. Les deux commis (Bernard Maréchal)

18. Panama fuite (Françoise Guichard)

19. Complainte du rentier le fraudeur (Guy Deflaux)

20. Sur le Canal Panama glisse (Bernard Maréchal)

21. À Panama (Françoise Guichard)

22. Le Panama (Hzenon)

23. Le Quitus, I (Bernard Maréchal)

24. La tirade des évadés (Patrick Flandrin)

25. Crise radine (Françoise Guichard)

26. Salauds (Bernard Maréchal)

27. L'or, c'est à nos box (Élisabeth Chamontin)

28. L'hécatombe démarche (Bernard Maréchal)

29. Panamontagne (Nicolas Graner)

30. Économie au noir (Bernard Maréchal)

31. Chanson des Caraïbes (Noël Bernard)

32. L'invitation au lynchage (Guy Deflaux)

33. L'encaisseur de Panama (Françoise Guichard)

34. Ma cavale au Panama (Nicolas Graner)

35. L'ère ripoux (Bernard Maréchal)

36. Cupide : le récit du branle-bas (Françoise Delbos)

37. Panama du Diable (Françoise Guichard)

38. La complainte de Diego, exilé fiscal (Bernard Maréchal)

39. Courtier libre (Nicolas Graner)

40. Perce Yens (John Acnee)

41. L'option libre (Bernard Maréchal)

42. Clair de lune à Panama (Jean Fontaine)

43. Tout le flouze (Didier Bergeret)

44. Contemplatif de l'or (Bernard Maréchal)


El Defiscalizado

Je suis le Très Douteux, le Taux dissimulé,
Le Paradis Offshore à la Taxe abolie :
Tout mon Crédit se meurt, mon Fichier décelé
Montre la Fraude au noir que j'avais établie.

Dans la nuit du Secret, toi qui m'as dévoilé,
Rends-moi le Panama, ou la mer d'Australie,
L'argent que déplaçait mon client exilé,
Et le Coffre où la Banque à la Hausse s'allie.

Suis-je Trust ou Holding ? Écran ou Prête-nom ?
Ma liste noire est rouge, et j'ai gâché l'Aubaine ;
J'ai rêvé le Canal où nage un bas de laine…

Et j'ai deux fois truqueur achevé l'Évasion,
Évitant tour à tour le Fisc et la Curée,
Les risques de l'Impôt, et la Loi modérée.

— Panamard de Canal

Bernard Maréchal, d'après El Desdichado de Gérard de Nerval.


Le fraudeur du canal

C'est un trou qui perdure, une rente pépère
Augmentant follement. Superbes picaillons,
L'argent ! Où va l'oseille que l'on gagne, frère,
Il fuit : vers un canal en douce par millions.

On frauda. Gêne ? Louche perte, dette tue
Et ça truque en geignant « Tant de frais, mon neveu ! »
L'or ? On l'a bien vendu à terme, plus-value,
Sale rançon, transfert, coup de rentière, hors-jeu.

Banquier grande gueule y mord. Spoliant gnome !
Une ivraie étouffante, il brade. Ah ! plaie de l'Homme
Ordure, cesse ce blanchiment si sournois.

L'aigrefin ne fait pas ce qu'il prône en vitrine
Coffre-fort au soleil, plus rien ne le chagrine.
Tranquille. Il est un transfuge à l'état de droit.

Françoise Guichard, d'après Le Dormeur du val d'Arthur Rimbaud.


Les Évadants

Comme un vol de fraudeurs hors de l'impôt natal
Fatigués de payer leurs taxes inhumaines
D'Asie, d'Afrique, des places européennes
Les fonds partent en mer. C'est cupide et vénal.

Ils s'en vont conquérir le fabuleux Graal
Que Panama mûrit dans sa cité lointaine :
Les sociétés écrans et centre-américaines.
La finance est opaque et internationale !

Chaque soir, espérant des profits mirifiques,
Dans divers paradis des Iles et Tropiques
Les capitaux discrets sont toujours plus dorés

Et planqués par la Banque à l'éthique virtuelle,
Ils regardent monter en un Droit ignoré
Des bureaux d'avocats, des combines nouvelles.

— José-Maria de Panama

Marc Boizeau, d'après Les Conquérants de José-Maria de Heredia.


Demain, des fraudes

Demain, dès l'aube, afin de blanchir mon épargne,
Je partirai. Vois-tu, mon conseiller m'attend.
J'ouvre un compte à Jersey au nom de ma compagne,
Je ne puis conserver ces billets plus longtemps.

Je bâtirai, les yeux fermés, ma société,
Sans rien, ni passeport ni le moindre permis,
Seul, inconnu, mon nom caché, numéroté,
Riche, et mon avocat sera comme un ami.

Je ne regarderai ni l'or, dont le cours tombe,
Ni les pays lointains peuplés d'écornifleurs,
Et quand je rentrerai, aussi muet qu'une tombe,
Mon banquier sera fier et me fera des fleurs.

— Victor Magot

Nicolas Graner, d'après Demain dès l'aube de Victor Hugo.


Rappelle-toi Panama

Rappelle-toi Panama
Il pleuvait sans cesse des taxes en ce temps-là
Et tu étais accueillant
Généreux discret efficient
Un paradis
Rappelle-toi Panama
Il pleuvait sans cesse des taxes
Et je t'ai croisé à la Générale
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Panama
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme dans son bureau m'attendait
Et il m'a donné ton nom
Panama
Et j'ai couru vers toi sans hésiter
Efficient discret généreux
Et je me suis jeté dans tes bras
Rappelle-toi cela Panama
Et ne t'étonne pas si je t'ai fait confiance
Je fais confiance à tous les banquiers
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je fais confiance à tous les avocats
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Panama
N'oublie pas
Cette entreprise apatride et anonyme
Filiale de la holding anonyme
D'un actionnaire anonyme
Cette entreprise en pleine mer
Et l'arsenal
Des optimisations
Oh Panama
Quelle connerie la fuite
Qu'es-tu devenu maintenant
Sous cette pluie d'articles
De sites de papiers de documents
Et ceux qui te confiaient leurs économies
Profitablement
Sont-ils ruinés disparus ou bien encore vivants
Oh Panama
Il pleut sans cesse des taxes
Comme il en pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de scandales et j'en suis désolé
Ce n'est même plus le déluge
De sites de papiers de documents
Tout simplement des enquêtes
Qui nous pistent comme des chiens
Des chiens qui engraissent
Au fil des révélations
Et nous envoient pourrir loin
Très loin du paradis
Dont il ne reste rien

— Jacques Prévericateur

Nicolas Graner, d'après Barbara de Jacques Prévert.


Spleen V, ou : À une Panamaise

Quand le Fisc bas et lourd soulève le couvercle
Sur le fric palpitant en proie aux gabelous,
Et que de la City menaçant tout le cercle
Il prélève l'impôt, plus violent que filous ;

Quand la Terre est chargée en surtaxe sordide,
Portefeuilles vendus rapportent à Paris
Un bénéfice qu'aussitôt Bercy nous vide,
En nous cognant la tête sous les piloris ;

Quand l'ISF étale un immense filet
D'un vaste chalutier traquant les libéraux,
Et qu'un peuple braillard nous lance ses sifflets,
Nous jetant en pâture à d'immondes journaux,

Des avocats soudain, habile confrérie,
Avancent vers nos mains un précieux document,
Et nous optimisons notre argent sans patrie
Qui se met à gonfler opiniâtrement.

Et de longs paquebots, sans débours ni éthique,
Emportent sûrement, vers Panama, l'Espoir.
Bercy pleure, et l'Exil souriant, Pacifique,
sur le Canal doré planque son argent noir.

— Charles Offshore

Bernard Maréchal, d'après Spleen de Charles Baudelaire.


Mon bisness

Je m'en allais, le pèze en mes poches bourrées ;
Incognito sous un panama tropical ;
J'allais sous les ciels chauds vers un pays vénal ;
Oh ! là ! là ! quelles mains avides j'ai serrées !

Ma magique valise avait un double fond.
– Grand ami des seigneurs , j'engrangeais dans ma course
Des titres. Mon enseigne était à la Grande-Ourse.
– Mes clients potentiels vivaient dans le bas-fond,

Et je les retrouvais dans la salle des coffres,
Ces bons soirs sans témoins où s'échangeaient des offres,
De sociétés écrans, en des lieux enchanteurs

Où, baignant au milieu des ombres financières,
Comme un aimant, je remplissais mes gibecières
De métal faisandé, les yeux sur les compteurs !

— A. Ribaud

Noël Bernard, d'après Ma Bohême d'Arthur Rimbaud.


Heureux qui, comme en Suisse

Heureux qui, comme en Suisse, a fait un beau fromage,
Ou comme cestuy-là qui se dit un patron
Et puis s'est échappé, sans péage à Macron
Vivre, évitant le cens, le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas, de mon petit braquage
La thune un tantinet, de quelle donation
Planquerai-je l'agio à ma pauvre nation,
Qui m'a traité en prince, avec tant d'avantages ?

Plus me plaît le séjour de mon sauve-qui-peut
Que ces lieux parisiens qui font du contentieux,
Plus que ladre, c'est sûr, mon ardoise me ruine :

Plus mon avoir que lois de ce menu fretin
Plus mon petit budget que nourrir ces crétins,
Et plus que ces bourrins, un isthme où nul ne fouine.

— J. Du Balai

Françoise Guichard, d'après Heureux qui, comme Ulysse de Joachim Du Bellay.


Quand vous serez bien riche

Quand vous serez bien riche, un jour, à Bagatelle,
Assise auprès d'un coffre, hésitant et râlant,
Direz, comptant vos sous tout en thésaurisant :
Comment faire échapper ce fric à la gabelle ?

Lors, vous verrez banquiers tendre leur écuelle,
Convoiter votre beurre, et déjà jubilant,
À grand bruit vous promettre un revenu brillant.
Mais ils vous grugeront sur une grande échelle.

Je serai loin d'ici, tranquille, sans agios :
À Panama, juteux, je prendrai mon repos.
Vous serez à Paris une ruine flétrie,

Regrettant mes conseils remis au lendemain.
Placez, si m'en croyez ! Évadez votre grain !
Exilez aujourd'hui vos biens sans avarie !

— Pierre de Mossack Fonseca, Conseils à Marraine

Bernard Maréchal, d'après Quand vous serez bien vieille (sonnet à Hélène) de Pierre de Ronsard.


Panama

On a chanté le Liechtenstein,
L'Autriche ou bien les Bahamas,
On a aussi chanté Bahreïn,
Où le bas de laine
Se cache au sauna.
On prétend que l'américaine
Du Delaware vaut Las Palmas,
Et que c'est une belle aubaine,
Loin des tire-laine,
Pour pauvre Gotha.

On n'y va pas,
On va plutôt à Panama,
On reste là,
Pour s'exiler loin des frimas.
Le seul désir qui vous y mène,
Dès qu'on s'est fait un beau magot,
C'est de goûter sans nulle gêne
L'aventure panaméenne
Sous le soleil de Panama.

[Refrain]
Panama, Panama,
Sur ton canal notre argent brille,
Le temps paraît toujours trop court
Pour goûter au bonheur de chaque jour.
Panama, Panama,
Ta banque est géante et resquille,
Et tu seras toujours
Le Paradis offshore
De mon trésor.

Une affaire panaméenne
Chez un banquier de Panama,
Ça prend à peine une semaine,
Et pas de migraine,
C'est le bon schéma.
Au premier soir pousse la graine,
Le signe d'un tendre karma,
Puis au deuxième une centaine,
Plus rien ne nous gêne,
Mieux qu'au Canada.

On n'y va pas,
On va plutôt à Panama,
On reste là,
Pour s'exiler loin des frimas.
Si vous avez de la déveine
Avec le fisc et le cash-flow,
Allez soigner cette gangrène
Dans la banque panaméenne
Sous le soleil de Panama.

[Refrain]

[Final]
Panama Panama Panama Panama.

Bernard Maréchal, d'après Mexico de Raymond Vincy sur une musique de Francis Lopez.


Le Panamal

Tandis que les achats louches de la filiale
Voyageant tous les jours vers le ciel qui blanchit,
Devenus billets verts par contagion légale,
Roulent en bataillons du cash bien affranchi ;

Tandis que l'appétit du Panama convoie
D'énormes sommes à l'abri du gouvernant,
D'autres ors sont partis, occultes, dans la joie,
Coupures du profit, royaume naviguant ;

Il est un Dieu, qui rit aux actions amassées
Des cartels, des puissants, c'est la police d'or,
Qui dans le bruissement boursier jamais ne dort,

Et s'émerveille quand des mères harassées,
À la Caisse d'Épargne, en cachette, le soir,
Lui donnent un gros sou lié dans un mouchoir !

— Facture Rabiot

Bernard Maréchal, d'après Le Mal d'Arthur Rimbaud.


L'homme et l'outre-mer

Homme libre, toujours te plaira l'outre-mer !
L'outre-mer veut ton noir ; c'est ton temple sans blâme
Dans l'accaparement infini de l'infâme,
Et l'abri où tu t'engouffres n'est pas l'enfer.

Tu te plais à plonger tes gains au blanchissage ;
Tu y brasses, véreux, tes carats, tes valeurs
Ça te distrait parfois, te met de bonne humeur
Ce bruit de plainte délectable qui soulage.

Vous héritez d'aïeux, vos neveux sont discrets :
Homme, tu as fraudé jusqu'au dernier centime,
L'outre-mer seule sait tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder ça secret !

Et cependant voilà sommes incalculables
Que vous accumulez sans peine ni remords,
Tellement vous aimez ces montages retors,
Ô fraudeurs éternels, ô affaires du diable !

— C. Basdelaine

Françoise Guichard, d'après L'Homme et la mer de Charles Baudelaire.


Le bateau libre

Comme je stationnais au Léman impassible,
Je vis la Loi guider d'insensibles censeurs,
Journalistes criards à la flèche irascible,
Clouant au pilori les innocents fraudeurs.

J'étais fort soucieux des risques de pillages :
Voir mes bons au porteur flambant dans ce palais !
Mais bientôt mes censeurs ont fini leurs tapages.
Les Banques m'ont laissé remporter mes billets.

Dans les décaissements soigneux de mes rentrées,
Mon découvert moins lourd grâce aux réseaux sortants,
Je vis la Péninsule aux sociétés dorées,
Et je suivis le flux des exclus triomphants.

Honnête, j'ai suivi des conseils légitimes.
Mon léger baluchon s'est enflé d'un cash flow,
À la pelle, valeurs optionnelles, et primes.
Dix-huit pour cent ! Grimpait à vue d'œil le gros lot !

Plus douce qu'au Léman, et malgré la saumure,
L'eau verte du dollar noya les lois Sapin,
Le cash devint légal, sommes promises, sûres,
Me lavant du soupçon infernal de coquin.

Et dès lors, je me suis baigné dans le Barème
De l'Offshore, excusé, faux titre évanescent,
Dévorant les billets verts. Des livraisons même
Me ravirent, pensif, dans cet exil décent.

Atteignant d'un seul coup les dignités, sans rire,
À l'isthme blanc, dessous les rutilants rembours,
Plus fort que le pétrole, et plus fort que la lire,
Fermentait, possesseur, mon titre de séjour !

Je sais les taux grevant le salaire qui tombe,
Et les beaux krachs, comptes courants, je sais les voir,
L'aubaine récoltée au multiple, la trombe,
Et j'ai prévu parfois ce qu'échoirait le soir !

J'ai vu mes conseillers penchés sur des graphiques,
Illuminant de bons paiements, en chapelets,
Le recueil des actions, ô gammes chromatiques,
Les flux roulant de loin leur moisson au filet !

Et j'ai bravé la perte, ô gêne évanouie,
Et j'ai baisé le monde aux yeux des enquêteurs,
Et l'intimidation des grèves inouïes
N'allume pas le feu dans l'offshore enchanteur !

J'ai suivi, des mois pleins, l'éveil des loteries
Hystériques, la foule à l'assaut des tarifs,
Sans risquer que le fisc humilie l'Euphorie
Pour contraindre la banque aux Versements poussifs !

J'ai gagné, savez-vous, d'incroyables Subsides,
Mêlant prêteurs véreux et sincères blaireaux,
Tendant des arcs-en-ciel à ces pommes avides,
Sous le niveau des cours, pour écorcher leurs peaux !

J'ai pu désargenter, hors normes, cette masse
Qui fournissait du jonc ou de l'Euro flottant,
Et l'écoulement d'or au beau milieu des liasses
Était certain : le pauvre souffre, consentant !

Placiers, cartels géants au nez creux, la fadaise
N'échouait. Crapuleux, au fond d'un golfe brun,
Tel un serpent géant dévorant tout leur pèze,
Je choyais ces tondus, les grugeant de leur gain !

J'aurais voulu monter, bon enfant, des façades
Sans enjeu, ces pièges d'or, ces pièges chantants
Qui écument sans peur l'épargne des peuplades,
Et des fables au vent hélant les cotisants.

Parfois, mentir laissait le pactole à la faune.
Amer, je sanglotais, et mon éboulis doux
Montait un mois, dans l'ombre, et rapportait l'aumône,
Et je restais ainsi, quel drame, sans bijoux,

Habile, ballotant mon or mis sous tutelle,
Et ma rente en réseau prenant l'odeur du plomb,
Je refourguais alors un titre à la poubelle :
Un naïf attendait, m'offrait ses picaillons !

Or moi, bientôt perdu sous l'écheveau immense
Des prêtés, des garants, des critères, des taux,
Moi dont le Moniteur et les bourses de France
N'auraient pas racheté une liasse au niveau,

Libre, fumant, monté sur valise à roulettes,
Moi qui courais, véniel, vers le lingot impur,
Je porte ma coupure, acquise à la sauvette,
La panaméricaine, et l'œil torve, futur

Coupable cravaché par des juges sceptiques,
Corde au col, escorté des gendarmes en noir,
Quand le verdict rendu me promettra les triques,
Et quand les malandrins m'accueilleront au soir,

Moi, je tremble et je sens poindre à cinquante lieues
Le jour des Demi-mots et des Pogroms mauvais,
Voleur accidentel des naïvetés bleues,
Je regrette l'Europe aux escrocs circonspects !

J'avais du potentiel. Les libéraux des îles
Dont les comptes courants sont ouvert en valeur,
En espèces, en fonds, en or ou en textiles,
En actions sans agios, offraient-ils la Rigueur ?

Mais, vrai, j'ai trop payé ! Les Lois seront clémentes.
La rancune est atroce, et le réveil amer :
Le Canal m'a gonflé de vigueurs étonnantes.
Je m'éclatais, pirate, à Panama sur mer !

Et je désire une enveloppe sans attache,
Voir l'effroi du loser qui bascule, paumé,
Et l'enfant du croupier à la baisse, qui lâche
Un lingot frêle sous un pavillon grimé.

Je ne puis plus, baigné dans l'odeur de Paname,
Apporter du mirage aux porteurs de jetons,
Ni déverser du fric aux impôts du programme,
Ni ranger en bon lieu ma pile de biftons.

— Arthur Impôt

Bernard Maréchal, d'après Le Bateau ivre d'Arthur Rimbaud.


La vie panaméenne

Je suis le Panama de l'or
Ils viennent de toute la terre
Plus riches encore que naguère
Toujours ils me reviennent encore !
Cent fois ils sont venus déjà
Avec de l'or dans leur valise
Des diamants à leur chemise
Combien va durer tout cela ?
Le temps d'avoir deux mille amis
Distribuer quelques largesses
Dix ans de savantes ivresses
La vie s'enchaîne à des paris !
Oui chez moi on peut tout rafler
Mieux que dans la vieille Amérique
Ils n'ont pas l'esprit chimérique
Ils ont déjà tout déballé !
Ils brûlent tous de revenir
Ici-bas sous mon ciel sauvage
Ils vont répétant avec rage
Plusieurs fortunes à ravir !
Sans travailler ils ont gagné
Sans aucun mal des sommes folles
Ils viennent pour que l'on n'étiole
Tout ce qu'ils ont partout volé !

— Au fun Bach !

Hzenon, d'après l'air du Brésilien tiré de La Vie parisienne d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy sur une musique de Jacques Offenbach.


Ballade des meilleurs plans

Dites moi où, n'en quel pays
Je peux planquer mon bas de laine
Archipel en lointain circuit
Qui sera ma bonne aubaine
Écot cachant quand fisc s'amène
Derrière filiale ou société écran
Pour lui soustraire mes étrennes
Mais lequel est le meilleur plan ?

Peut-être la classique Suisse
Qui toujours sauva patrimoine
Et plus d'un nanti pour ses fils
Y trouva la cachette idoine,
Ou alors banque panaméenne
Promettant taux à bon rendement,
Singapour pour réserves pleines
Mais lequel est le meilleur plan ?

À Jersey avec malice
Ou sur les côtes caribéennes
J'ouvrirai moult comptes factices,
Luxembourgeois qui tient les rênes
Où est le très discret Eden,
Liechtenstein, les îles : Caïman
Ou encore Vierges souveraines,
Mais lequel est le meilleur plan ?

Publicité est ma géhenne
Et journaleux vais redoutant
Que ce sujet ne les entraine
Vers l'un de ces meilleurs plans

— François Filon

Françoise Delbos, d'après la ballade des dames du temps jadis de François Villon.


Ballade des fans du paradis

Dictes-moy où, n'en quel pays,
Est caché vostre bas de laine :
À Gibraltar, en Malaysie,
Au Luxemburg ou à Bahreine ?
Où vont, quand affaires on maine,
Les commissions de vingt-pour-cens ?
Emportées loing de nos domaines,
Mais où sont les niches d'argent !

Où est le petit paradis
Où l'on devient riche sans peine ?
Est-il à Sainct-Barthélemy ?
Dans les banques panaméennes ?
Semblablement, où est l'antenne
Qui crée aux Isles Caïmans
Des sociétés par centaines ?
Mais où sont les niches d'argent !

Le fameux couple Balkany,
Qui régnoit sur les Haultz-de-Seine,
Cahuzac, Drahi, Platini,
Chatillon, qui soustient Le Pene,
Cameron, filz de bonne graine,
Qu'Anglois élirent en leurs rangs,
Des Isles Vierges ils reviennent.
Mais où sont les niches d'argent !

   ENVOI (sous pli neutre cacheté)

Prince, n'enquestez de sepmaine
Sur les fonds, ne les placemens,
Qu'à ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les niches d'argent !

— François Million

Nicolas Graner, d'après la ballade des dames du temps jadis de François Villon.


Les deux commis

Deux grands commis vivaient non loin du Panama.
L'un ne possédait rien qui n'appartînt à l'autre.
Les commis de ce pays-là
Veulent le bien, dit-on : le nôtre.
À la Bourse chacun s'occupait au conseil,
Et mettait à profit l'agence et l'appareil,
Un de nos deux commis voit, à l'écran, l'alarme.
Voit pointer une prime, apprête des billets :
Un transfert doit toucher son solde, et s'exiler.
L'autre commis s'étonne, entend la Bourse en larme,
Vient trouver l'autre, et dit : Il nous arrive peu
D'acquérir autant d'or ; nous décaissons la somme,
À moins d'user du temps et risquer le prud'homme ?
Aurions-nous point misé trop peu d'argent au jeu ?
En voici. S'il nous est venu la clientèle,
Gérons les prêts. Allons ! Ne nous ennuyons point
De toucher toujours seul ! Une enclave assez belle
Est vacante à côté ; voulez-vous qu'on l'appelle ?
Oui, dit l'ami, ce coup sûr est au point,
Mais prenons garde à la gabelle.
S'enrichir en dormant n'est pas très incongru ;
J'ai craint qu'il fût trop tard, je suis vite accouru.
Et je rallonge notre cause.
Et deux valent mieux qu'un. Que t'en semble, prêteur ?
Cette fiscalité vaut bien qu'on se repose.
Qu'un commis panamable est une douce chose !
Il cherche vos besoins dans son ordinateur,
Il vous épargne la pudeur
D'aller vous découvrir vous-même.
Il jauge bien, place sans peur,
Et sait choisir le bon système.

— Agent du Fonds Traîne

Bernard Maréchal, d'après Les deux amis de Jean de La Fontaine.


Panama fuite

Ça me déplait pas mal ce que tu brasses
Pa na ma
C'est faute à la finance qui fait un casse
Pa na ma
Si tu cherches un truc pour cacher ta trace
Panama Panama Panama

C'est le transfert
Que sert
L'abominable homme-stratège
Au minable richard qui s'allège
Un amour de transfert

C'est le transfert
Que sert
L'abominable homme-stratège
Au minable richard qui s'allège
Un amour de transfert
Panama ma ma ma ma Panama fuite
Panama ma ma ma ma Panama fuite

Oh ! Les crises que suscite ce trafic
Pa na ma
Qui laisse des marques au rouge dans le public
Pa na ma
Et pour se faire tondre, une tactique
Panama Panama Panama

Laisser vibrer ces montagnes de cash
Pa na ma
L'un a dit que cette chose se sache
Pa na ma
C'est pas joli cette foule de lâches
Panama Panama Panama
Laisser vibrer ces montagnes de cash
Pa na ma
L'un a dit que cette chose se sache
Pa na ma
C'est pas joli cette foule de lâches
Panama Panama Panama

Françoise Guichard, d'après Le banana split de Jay Alanski pour Lio.


Complainte du rentier le fraudeur

Citoyen, petit prolétaire
En râlant tu paies tes impôts
Mais jamais dans ton ordinaire
Il n'est question de poule au pot
Tu manges des pommes de terre
En fin de mois t'as plus le sou
Et tu as oublié le goût
Du pain blanc de ta boulangère

Crois-tu que tout ça va changer
Que demain on va partager

Car si chaque jour tu transpires
Pour nourrir vêtir tes enfants
Dans le secret d'autres conspirent
Pour dissimuler leur argent.
Ce sont des nantis qui inventent
Des moyens toujours plus experts
Pour passer encore au travers
De l'imposition de leurs rentes

Ceux qu'on croyait hommes d'honneur
Ne sont en fait que des voleurs

C'est une misérable engeance
Qui dans les paradis fiscaux
Magouille en toute connivence
Pour ne pas payer ses impôts
Ces gens forment une phalange
De détenteurs de capitaux
Qui fomentent incognito
Des règlements qui les arrangent

Les lois se sont eux qui les font
Ils ne craignent pas le bâton

Leurs avoirs restent invisibles
Grâce au génie des avocats
Par des montages infaillibles
Pilotés depuis Panama
Si l'un d'eux est pris en flagrance
Par un juge trop assidu
On sait qu'il sera défendu
Sous la présomption d'innocence

Certains diront que c'est honteux
D'embêter quelqu'un pour si peu

Pour que ma complainte finisse,
Voyons l'issue du jugement.
Dans notre pays la justice
Ne se trompe que rarement.
Bons citoyens faites confiance,
Aux enquêteurs, aux magistrats,
Car les hommes qu'on jugera
Sont taxés d'être des balances

Il ne restera qu'à confier
Les lanceurs d'alerte aux geôliers !

Guy Deflaux, d'après Complainte de Bouvier l'éventreur de Philippe Sarde et Jean-Roger Caussimon pour le film Le juge et l'assassin.


Sur le Canal Panama glisse

Sur le Canal Panama glisse
La Suisse éteinte et le filou.
On y triche comme au Pérou,
Avec ses voleurs en coulisse :
Canaille y vaut un consortium,
Et l'impôt dû devient opium.
Nul ne regarde ni contrôle.
............................
Il rêve d'y voir rougir l'or,
Le bougre grigou de l'import,
Il sent la crise, et le pétrole.

Bernard Maréchal, d'après Sur le canal Saint-Martin glisse de Paul-Jean Toulet.


À Panama

Ils sont venus
Ils sont tous là
Dès qu'ils ont entendu ce cri
Tous les pourris à Panama
Ils sont venus
Ils sont tous là
Même ceux de la rude Russie
Y a même Kojo, fils de Kofi
Tous sont présents : y a des gros bras
Ou leurs enfants, pas de décence
Fraudeurs du fisc fuyant l'impôt
À leurs yeux c'est sans importance
Ce sont des aficionados
De Panama

On vous fauche, on vous a baisés
On n'a pas honte, y a des banquiers
Tous les pourris à Panama
Jean-Marie Le Pen a sa place
Dans vos statuts, le nom s'efface
Bien sûr vous leur tendez les bras
En spoliant le salariat
Le salariat
Y a tant d'en-cours, de tirelires
Autour de toi, toi Panama
Y a tant de charmes pour ces vampires
À travers toi, toi Panama

Et tous les hommes qui ont si chaud
Sur les chemins vers leur travail
Ne vont pas s'offrir Panama.
Ils voient les grands au caniveau
Tout le gratin et le sérail
Tandis que s'entassent pêle-mêle
Les noms des bâtards en troupeau
C'est drôle on se sent un peu triste
Quand on lit autant d'abjection
Y a même un nom de scénariste
Qui a perdu notre affection
À Panama

Et les femmes c'est du nanan
Par leurs juristes, conseillées
Tous les pourris à Panama
Tout doucement, les yeux fermés
La rentière verse son argent
En effaçant bien ses données
Pour qu'on oublie le nom des gens
Ah les rapiats !
Y a tant d'en-cours, de tirelires
Autour de toi, toi Panama
Y a tant de charmes pour ces vampires
À travers toi, toi Panama
Que jamais, jamais, jamais
On ne pardonnera.

Françoise Guichard, d'après La Mamma de Robert Gall sur une musique de Charles Aznavour.


Le Panama

Ils sont venus
Ils sont plus là
Dès qu'ils ont entendu ce cri
Il va mourir le Panama
Ils sont venus
Ils sont plus là
Même ceux du sud du pays
Ils ont maintenant le fisc maudit
Avec leurs impôts sur les bras.
Ces truands bouillent en silence
Au tour de qui sur le carreau ?
Ils sont prêts à faire allégeance
Pour pas finir sur un radeau
Au Panama !

Plus un pour sortir son chéquier
Caché dessous ses oreillers
Il va mourir le Panama
Feinte charrie moins qu'une grâce
Dont le statut est sur la place
Il est vu comme un vieux paria
Un vieux paria
Y a tant de blues, faut subvenir
Bien loin de toi, toi Panama
Y a tant d'alarme à prévenir,
À travers toi, toi Panama

Et tous ces hommes ont eu si chaud
Pour leurs bonus bien au soleil
Tu vas mourir toi Panama
Qu'ils boiraient frais le gain nouveau
Le bon gain – Ah la bonne oseille ! –
Tandis que s'entassent pêle-mêle
Sur tes bancs mouchards et corbeaux,-
Ces drôles se sentent moins tristes
Loin du délit d'acquisition,
Y a même un sacré journaliste
Qui leur donne une bénédiction !

Mais les états se souvenant
De ce que tu leur as volé
Tu vas mourir toi Panama,
Tous ces vautours, ils te déchirent
Se ruent sur toi, toi Panama,
Y a tant d'alarme à prévenir,
À travers toi, toi Panama,
Que jamais, que jamais,
Tu ne t'en sortiras !

Hzenon, d'après La Mamma de Robert Gall sur une musique de Charles Aznavour.


Le Quitus, I

Sur le bord d'un canal profond, portes ouvertes,
Dorment, loin des radars et des impôts, les vertes
Liasses, aux doigts repus d'un indolent courtier.
Il ouvre son ardoise où signent sans vergogne
Des imposés fuyant le fisc et sa charogne,
Ou de vieux beaux clamant « Sapin veut nous piller ! »
– Vous reconnaissez-vous ? – Voilà le monopole,
Et le Palais Brongniart inondé de pétrole.
Comme à Manille, on a la devise à cacher.
Accueillant les fuyards, Panama, c'est le cadre
Où se planque indûment le lingot, en escadre,
    Et le filou, pour s'y nicher.

— Chrysophile Rentier

Bernard Maréchal, d'après Albertus, I de Théophile Gautier.


La tirade des évadés

[Votre scandale est... grand...]
Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire... oh ! Dieu !... bien des choses en somme...
En variant le ton, – et sans en avoir honte :
Agressif : « moi, monsieur, si j'avais un tel compte,
Il faudrait sur le champ que je le refermasse ! »
Amical : « que n'est-il placé aux Bahamas,
Ou bien au Vatican, protégé par le Pape ! »
Descriptif : « c'est un roc !... c'est un pic... c'est un cap !
Que dis-je, c'est un cap ?... c'est plutôt un canal ! »
Curieux : « de quoi sert cette obsession vénale ?
D'échapper, cher monsieur, au paiement de l'impôt ? »
Gracieux : « aimez-vous à ce point vos euros
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De les mettre en lieu sûr si loin de vos pénates ? »
Truculent : « ça, monsieur, lorsque vous spéculez,
La valeur en actions de votre société
Grimpe-t-elle aussi fort qu'un cycliste dopé ? »
Prévenant : « gardez-vous, ce secret éventé,
Qu'on en vienne à douter parfois de vos paroles ! »
Tendre : « soyez câlin avec votre pactole
De peur que sans amour ne fonde sa valeur ! »
Pédant : « le placement, monsieur, que les traders
Appellent un emprunt pyramidotoxique
Est de ceux qu'on évite au soleil des Tropiques ! »
Cavalier : « quoi, l'ami, l'off-shore est à la mode ?
Pour côtoyer des stars c'est vraiment très commode ! »
Emphatique : « un hacker ne peut dans ce dédale,
Démêler une fraude à ce point magistrale ! »
Dramatique : « le glas sonne pour bien des règnes ! »
Admiratif : « cela mérite qu'on l'enseigne ! »
Lyrique : « auriez-vous ainsi atteint le Graal ? »
Naïf : « à Panama, n'est-ce donc point légal ? »
Respectueux : « monsieur, cela n'a point d'égal,
C'est là ce qui s'appelle un paradis fiscal ! »
Campagnard : « hé, ardé ! C'est-y taxé ? Nanain !
C'est gratis, tout benèf, queuqu'chos' de vraiment ben ! »
Militaire : « c'est la société, général ! »
Pratique : « voulez-vous user de ce canal ?
Assurément, monsieur, vous pourrez placer gros ! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Voilà donc ces papiers qui de l'ordre des maîtres
Ont détruit l'harmonie ! Qu'en soit maudit le traître ! »

Patrick Flandrin, d'après la tirade des nez tirée de Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand.


Crise radine

C'est cher le fisc, hélas ! Que l'élu m'en délivre.
Fuir ! Là-bas fuir ! Je sens que ce réseau m'enivre :
Être avec l'écume parvenue des non-lieux !
« Tiens, voilà du boudin » vont chanter les envieux.
Ne retient pas l'odeur si dans la mer se trempe
L'oseille ! La cherté des pertes ça m'estampe.
Fuir le gratte-papier qui le tricheur pourfend
Même s'il a deux femmes et des tas d'enfants.
Je partirai ! Trader balancé en pâture
Lève l'ancre pour une exotique nature !
On s'enfuit. Désolés ! La France est sans espoir
Crois-tu que ces brêmes vont sortir leur mouchoir !
Peut-être Panama pour un temps me soulage
Où sont ceux qui diront que c'est un sabotage ?
Perdus, sans moi, sans moi, les utiles idiots...
Mais, ô fraudeur, entends s'agrandir ton magot !

— Stéphane Lalerté

Françoise Guichard, d'après Brise marine de Stéphane Mallarmé.


Salauds

Viens, que j'allume cierges chers,
Car j'ai signé pour la chaloupe.
Elle m'éloigne de la troupe
Inhumaine du fisc pervers.

J'ai navigué, loin des hivers ;
Sans émoi j'assurai ma soupe :
Un vent délictueux en poupe,
Cash-flow en poudre et billets verts ;

À l'adresse belle à la plage,
J'attendrai, ferme, sans dommage,
Le porteur de bons sans malus.

À Panama, furtive escale,
On m'apporte le fric conclu,
L'argent blanchi d'une filiale.

— Stéphane Lalerté

Bernard Maréchal, d'après Salut de Stéphane Mallarmé.


L'or, c'est à nos box

Oh ! combien de people, combien de capitaines
D'industrie sont partis avec les poches pleines
Vers ce bel horizon leur fric épanouir,
Placer leurs picaillons et planquer leur fortune,
Dans un canal profond, par une nuit sans lune,
En toute impunité pour longtemps l'enfouir !

Combien de gens ont fui avec leurs brigandages
Évitant de payer au pays leurs péages
Que d'un souffle ils ont escamotés sur les flots !
Personne ne saura où va cette plongée.
Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
L'une a pris l'intérêt et l'autre les dépôts !

Nul ne sait votre sort, ô récoltes indues !
Vous roulez à travers de riches étendues,
Touchant de vos fronts d'or à des bords inconnus.
Oh ! combien d'avocats ne vivent que d'un rêve,
Celui de vous voir tous débarquer sur leur grève
Où vous êtes les bienvenus !

On s'entretient de vous parfois dans les veillées.
Maint journaliste, assis sur des presses rouillées,
Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts
Au terrorisme, au meurtre, aux récits d'aventures,
À la pédophilie, aux autres boursouflures
Dont se pare aujourd'hui notre monde pervers !

On demande : Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ?
La Barbade ? Jersey ? Encore plus fertile ?
Puis votre souvenir même est enseveli.
Panama a changé vos noms dans la mémoire.
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre canal jette le sombre oubli.

Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
Il reste votre banque où l'avoir s'évalue,
Sa puissance lui fait dédaigner la rumeur.
Votre banque sait bien où le pognon s'engendre
Et à qui elle peut sans crainte encore vendre
De la thune et de la valeur !

Et quand le temps a fait son œuvre funéraire,
Rien ne sait plus vos noms, pas même un formulaire,
Dans les nombreux fichiers où votre trace fond,
Pas même un numéro de fax, de téléphone,
Et pas même l'alerte triste et monotone
Que lance un pauvre geek en mal d'insoumission !

— Victor Magot

Élisabeth Chamontin, d'après Oceano Nox de Victor Hugo.


L'hécatombe démarche

Maudit soit le trader
De la banque du patron
Qui vendit au pair
Un emprunt toxique avec lequel
Un beau larron acheta le yen
Dans lequel on crédita l'audit où
Fut arbitrée par l'expert actuaire
Cette somme qui produisit la filature
Dans laquelle il appert « Panama
Papers ».

— Super Paranos

Bernard Maréchal, d'après La colombe de l'arche de Robert Desnos.


Panamontagne

Ils quittent un à un le pays
Pour aller planquer leur grisbi
Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la Suisse et de son secret
Du Panama ou de Jersey
Le fisc
Il n'était pas très efficace
Lorsqu'il se lançait sur leurs traces
Après avoir levé un lièvre
Car ils savaient fort à propos
Jouer des paradis fiscaux
Pour le faire devenir chèvre

[Refrain]
Pourtant, que la fuite est cruelle
Comment peut-on s'imaginer
En protégeant son escarcelle
Que l'info sera divulguée

Avec les experts de Mossack
Ils avaient monté des arnaques
Jusqu'aux sommets de l'artifice
Qu'importent les lois, la morale
Ils avaient tous pour idéal
D'optimiser leurs bénéfices
Le fric
Il court en liberté
L'impôt ne sera plus versé
C'était affreux, toutes ces traites
L'État paye des fonctionnaires
À ne plus que savoir en faire
L'ISF leur prenait la tête

[Refrain]

Deux chèques de quelques millions
Une valise, un prête-nom
Et voilà la somme sortie
Les filiales payaient pas mal
Il n'y a rien de plus normal
Que de vouloir gagner sa vie
Leur vie
Ils devaient être milliardaires
De quoi attendre sans s'en faire
L'heure de la prochaine crise...
Il faut savoir qu'un journaliste
Qui met la main sur une liste
Peut vous coûter votre chemise

[Refrain]

Nicolas Graner, d'après La Montagne de Jean Ferrat.


Économie au noir

Voici venir l'argent qui donne le prestige.
Chaque exil évapore un dollar du tiroir,
Les avoirs des requins tournent au réservoir.
Valls en a la colique et Sapin s'en afflige !

Chaque exil évapore un dollar du tiroir,
Le ministre gémit quand il perd un litige,
Valls en a la colique et Sapin s'en afflige !
Le ciel de Panama brille comme un comptoir.

Le ministre gémit quand il perd un litige :
Contre un exil en règle on ne peut se pourvoir.
Le ciel de Panama brille comme un comptoir :
Le capital se noie dans le Canal, prodige !

Contre un exil en règle on ne peut se pourvoir :
Derrière un argentier se cache un homme lige.
Le capital se noie dans le Canal, prodige !
Le droit fiscal résonne comme un à valoir !

— Charme Budgétaire

Bernard Maréchal, d'après Harmonie du soir de Charles Baudelaire.


Chanson des Caraïbes

Tournez tournez
petits porteurs
tournez autour des avions
bientôt vous serez dedans
tournez tournez
porteurs de valeurs
porteurs de placements

L'offshore a bien voulu
planquer votre magot
l'offshore est bien payé
d'une part du gâteau
il vous a dit l'avenir
qui vous paraît si beau

Vous courrez vers des îles
et vous ferez beaucoup d'argent
beaucoup d'argent
qui courra vers des îles
et qui fera beaucoup d'argent
qui courra vers des îles
et qui fera beaucoup d'argent
beaucoup d'argent
qui courra vers des îles
et qui fera beaucoup d'argent
beaucoup d'argent
beaucoup d'argent...

Tournez tournez
petits porteurs
tournez autour des avions
bientôt vous serez dedans
tournez tournez
porteurs de valeurs
porteurs de placements.

— J. Panamert

Noël Bernard, d'après la Chanson des Sardinières de Jacques Prévert.


L'invitation au lynchage

Pour certains censeurs
J'aurais des passeurs
Chargés des dessous de table
Qu'il me faut blanchir
Pour ne pas subir
L'imposition qui m'accable
Ils croient voir briller
Un tas de billets
Qui me vaudrait les gendarmes
S'il venait aux yeux
D'un juge teigneux
Qui ferait sonner l'alarme

Ils disent sans hésiter
Que j'ai tout escamoté

Pour ces médisants
Je suis un faisan
Qui gîte dans la pénombre
Pour ces emmerdeurs
Je suis un fraudeur
Qui fait des coupures sombres
Pour ces petits cons
Je suis un faucon
Qui blanchit son argent sale
Dans le grand secret
D'un banquier discret
La Société générale

Pour quel argent m'occulter,
Cet agent qui m'en laissait

Ils veulent ma peau
Mais ils ont tout faux
A France 2, dans Le Monde
Je suis un martyr
On veut m'agonir
Sous des calomnies immondes
Comme député
J'ai l'immunité
Et s'il faut que je la perde
Perdre « Dar Gyucy »
Perdre Giverny
Je m'en fous, je vous emmerde !

Si j'ai du blé de côté
Je sais comment l'exporter !

Guy Deflaux, d'après L'Invitation au voyage de Charles Baudelaire.


L'encaisseur de Panama

Je suis l'encaisseur de Panama
Le gars qu'on croise quand on arriv'là-bas
Y a du soleil sur cette terre
Vive la croisière
« Bien mal acquis, profite jamais »
C'est exprès qu'c'est entr'guillemets.
Dans des bouquins c'est écrit
Que si tu bosses, l'or pousse à Miami
Pendant c'temps les riches se gavent
Dans mon enclave
Parait qu'il y a pas de sots métiers
Moi j'fais des sous et des billets

J'fais des sous des p'tits sous encore des p'tits sous
Des p'tits sous des p'tits sous toujours des p'tits sous
Des sous qu'l'on déplace
Des sous laissant pas d'trace
J'fais des sous des p'tits sous encore des p'tits sous
Des p'tits sous des p'tits sous toujours des p'tits sous
Des petits sous des petits sous des petits sous des petits sous.

Je suis l'encaisseur de Panama
Pari sordide sous ce microclimat
Je m'en fous bien d'la planète
Je fais la quête
Au carnaval des gros nantis
Chez nous, ce n'est pas un délit
Et sous mon ciel, la finance
Ça la fait pas tiquer la délinquance
Pendant qu' certains crèv' sous la schlague
Je prends la vague
Et me parfume avec leur blé
J'vois tous les bateaux arriver

Pour investir chez nous où on fait des p'tits sous
Des p'tits sous des p'tits sous toujours des p'tits sous
C'est un bateau d'taille
Qui est plein d'canailles
Qui s' délestent chez nous pour faire des p'tits sous
Des p'tits sous des p'tits sous toujours des p'tits sous
Des petits sous des petits sous des petits sous des petits sous.

Je suis l'encaisseur de Panama
C'est un art d'êtr' rentier à Levallois
Ils en ont marre de cette traque
Alors ils craquent
Ils partent jouer la fille de l'air
Vers notre station balnéaire
Un jour viendra dit le pur
Où pourront plus s'évader ces raclures
Je subirai cette déroute
Et coûte que coûte
Et si pour moi fini l'bon temps
Je pens'rai que c'était mieux avant

Quand j'f'sais des sous des p'tits sous encore des p'tits sous
Des p'tits sous des p'tits sous toujours des p'tits sous
Y avait d'quoi faire la bringue
Sans aller au burlingue
Ça fout un coup un sacré coup de plus faire de sous
Un p'tit sou un p'tit sou un dernier p'tit sou

Et on m'mettra sans doute au trou pour attendr' ma levée d'écrou
Plus jamais d'sous de petits sous des petits sous, des petits sous

Françoise Guichard, d'après Le poinçonneur des Lilas de Serge Gainsbourg.


Ma cavale au Panama

Ma cavale au Panama
M'a conduit chez Fonseca
Ils gèrent mieux mon portefeuille
Que l'Écureuil
Si je porte là mon blé
Sûr qu'il va pas s'envoler
Je regrette pas ma cavale au Panama

Et j'attends d'y installer mon siège
Et j'attends le retour sur investissement

Ma cavale au Panama
C'est le seul bonheur pour moi
La vie libre qui me plaît
Plein de blé
À quoi bon chercher ailleurs
Toujours mon ami trader
M'enviera pour ma cavale au Panama

Mais je rêve d'y emmener
Celui qui veut investir
Viens avec moi si tu te tires
Du cher pays bien trop taxé

Ma cavale au Panama
J'en reviendrai pas, ma foi
Nous tenterons le grand jeu
Tous les deux
Nous n'aurons pas de témoins
Nul journaliste chafouin
Ne connaîtra ma cavale au Panama

Je te dirai le nom de mes montages
Je t'apprendrai le taux des intérêts

Le canal de Panama
Tant que la loi ne change pas
Ce sera le paradis
Des nantis
À quoi bon chercher ailleurs
Je sais bien que le bonheur
Il est là dans ma cavale au Panama

— Loulou Gâté

Nicolas Graner, d'après Ma cabane au Canada de Loulou Gasté, écrite pour Line Renaud.


L'ère ripoux

Le trader est connu pour être un arnaqueur,
Il ne doit conserver que des valeurs offshore,
Et son épouvantail est le fisc extorqueur
Qui l'empêche d'aller visiter les Açores.

Quand il pressent venir l'alerte du lanceur,
Cet immonde bavard qui mène au cimetière
Porteurs d'attaché-case et banquiers assureurs,
Il tremble pour les sous planqués en Angleterre

Il va donc empocher des liasses d'outremer,
Mettre un terme à la vente en devise française,
Et détourner un fonds pour son courtier amer
Qui respectait alors la norme hollandaise.

Yeux fixés sur les cours, quand il a décompté
Au clair le gain, l'erreur et la taxe, il propose
Au client un contrat dont la fiscalité
Offre un charme tout neuf, exempt de sinistrose.

Et mieux qu'aux Îles Vierges, mieux qu'au Liechtenstein,
Cette somme fertile échappe à la consigne,
Et c'est devant des yeux malvoyants que, serein,
Émigre à Panama, sous cape, un euro digne.

Vanter les lois Sapin à l'exilé fiscal,
Sans troubler son repos faire doubler la mise,
Et sans se déranger, hisser son capital
Loin de l'impôt sévère empêchant la reprise,

Voilà le savoir-faire et le plan assassin
Qui assèche l'Europe et rend le juste acerbe.
Ma bataille fera revenir le butin.
Si je sauve l'emprunt, mentira le proverbe

Qui dit que le fraudeur va toujours s'en sortir.
J'écrirai cette loi que votera la Chambre :
« Chaque fois qu'un magot tentera de partir,
On taxe à cent pour cent, et puis on met à l'ombre. »

— Vénal Fiduciaire

Bernard Maréchal, d'après Les Bijoux de Charles Baudelaire.


Cupide : le récit du branle-bas

[...] Sans foi, cette triste engeance
Transfère son pognon avec belle assurance
Ils en mettent cinq cents sur un compte off shore
En récupèrent trois mille sans aucun effort.
Tant fut placé et avec de tels avantages
Que les plus timorés s'y jettent sans ambages.
Ils en cachent les deux tiers sitôt qu'arrivés
Dans fonds de sociétés pour ce faire édifiées.
Le pèze en quantité y croit avec bonheur
En toute discrétion bien loin d'eux et sans heurt
Car ils savent se taire et, nul n'y contredit,
Jouissent en bonne part d'un si bon et doux profit.
Mais pour investiguer les gazettes sont reines :
Des détectives elles ne ménagent pas la peine
Et rusent effrontément pour obtenir en douce
Leurs forts vilains secrets qu'elles divulguent à tous.
Cette violente lumière ainsi les dévoile
Et dans tous les journaux affirme le scandale :
La clameur enfle sur les ondes et prend corps,
Les mots et les faits leur font un fort triste sort.
Ils essaient de l'ignorer, niant être sur le grill,
"Point de fric au Panama, point dans les îles"
Ou d'un profond silence esquivant les écrits
Ils tachent en vain de profiter d'un répit.
Ils encaissent sans pudeur, ils liquident, ils vendent
Et confortent ainsi les bruits qui se répandent.
Le tapage qui éclate alors en un instant
Eclabousse tant de noms et des plus brillants,
Presse et radio font le buzz de par le monde,
De tous les détails les médias surabondent.
Les tricheurs, les receleurs se voient confondus :
Leurs belles rentes peut-être à tout jamais perdues
Ils croyaient pouvoir s'enrichir façon pépère,
On les moque, on les conspue partout sur Terre,
Et bientôt l'on fait sur leurs milles et sur leurs cents
Propos taquins autant que quolibets méchants.
Mais toujours la convoitise au profit les lie
Leur rapacité renait, leur pudeur s'oublie :
Par crainte d'être sans avoirs, abattus,
Ils affichent leur émoi, feignent la vertu,
Et tous sans vergogne se prétendent des anges
Songeant cette fois encore y gagner au change.
Si Barbade et Jersey, Bahreïn et Singapour
Sont des repaires soudain propulsés au grand jour,
O combien d'actions, combien de titres ou d'emprunts
Sont encore planqués dans des coffres clandestins
Et le fraudeur qui sait les valeurs qu'il détient
Calcule ce que sera sa fortune demain.

— Pierre Oseille

Françoise Delbos, d'après le récit du combat tiré de Le Cid de Pierre Corneille.


Panama du Diable

Un jour le diable prit Panama
Pour caser les gens à baraka
Valls n'eut pas l'temps, il n'savait pas
Qu'il aurait dû mettre son holà.
Aussitôt la terre entière
Par ce lieu fut enchantée
Des holdings aux milliardaires
Tout l'monde le chantait
On y accourait à grands pas
Avec le fric de grand-papa
Le Diable venait à Panama
De créer un drôle de climat

Puis les gros porteurs vite y amenèrent
Tout leur butin à Lucifer
Z'étaient partout, pas vu pas pris
Contournant les douaniers surpris
Sans attendre l'mois d'décembre
Un député jamais à court
À la tribune de la Chambre
Dit dans son discours :
« Plus rien à battre,
Plus rien à battre,
C'est Noël je l'clame et ça me plaît ! »
Aucun lazzi ne put l'abattre
Soutenu par Levallois-Perret.

La dalle au Sahel ne comptait plus
« Il pleut toujours où il a plu »
Ainsi l'grand chef d'orchestre bêla.
« Au prochain krach, à Panama
On s'y colle, oui on s'y colle »
S'exclama un footballeur
Tout en levant sa guibole
De sacré buteur...
« Plus rien à battre,
Plus rien à battre »
Ah quelles canailles on voit s'ébattre
Les spectateurs regardaient la scène
Pleins de fureur, trouvant ça obscène

Au-d'là des mers sous leur empire
Le mal gagna c'est trop affreux
Il fallait pour tous ces vampires
Jusqu'au Pôle Nord et la Terre de Feu
Et au milieu du marécage
On vit le monde des banquiers
Où Mossack Fonseca fit rage
Avec des jolis primes d'panier
« Plus rien à battre,
Plus rien à battre
Vive les paradis fiscaux ! »
L'or lui-même a dû en rabattre
L'marchand d'cigares fit son fricot

Puis un jour tout d'vint tranquille
On n'parla plus des Panamas
Dans les champs et dans les villes
Savez-vous pourquoi ?
Parce que le Diable s'aperçut
Qu'il y avait un délateur
Tout ça c'était d'l'argent d'foutu
C'est pas une vie d'être profiteur
Tout ça c'était d'l'argent d'foutu
C'est pas une vie d'être profiteur

Allez, arrêtons tout ce trafic
Et retournons en enfer.

— C. Secret

Françoise Guichard, d'après La Java du Diable de Charles Trenet.


La complainte de Diego, exilé fiscal

Voyage de l'espoir ! Ô richesse affermie !
J'ai donc assez vendu pour cette autonomie !
Et mon argent blanchi pourra s'expatrier !
J'ai pu voir en un jour guérir mon trésorier !
Mon or qu'avec respect la Goldman Sachs admire,
Mon or qui tant de fois a rempli ce navire,
Tant de fois raffermi les comptes des Chinois,
Ne sera pas trahi par un sbire d'octroi !
Ô le bel avenir, et victoire encaissée !
Banque de jour en jour pour mon profit dressée,
Belle fluidité vitale à mon bonheur,
Édifice boursier qui comble mon honneur !
Avec ce coup d'éclat va triompher mon compte :
S'ouvrira mon agence, et mon crédit remonte !
Je suis dans ma province à présent gouverneur,
Mon gérant m'est témoin des sommes au porteur.
Andalou au soleil, j'ai fondé ma holding
En tapinois des lois, j'ai su tendre ma ligne
Au bout de ce détroit radieux, ingénument.
Jamais mon or vivace n'aura de tourment.
Il n'a plus rien à craindre, et le fisc qui m'offense
Trompé par ma façade aura sa récompense :
Je le prive d'impôt ! Je m'en lave les mains,
Et je mets sans danger mon or chez les ricains.

— Lucide, Chère Corbeille

Bernard Maréchal, d'après la complainte de Don Diègue tirée de Le Cid de Pierre Corneille.


Courtier libre

J'ai mis ma feuille d'impôt à la poubelle
et je suis sorti avec les billets dans la valise
Alors
on ne déclare plus
a demandé le ministre
Non
on ne déclare plus
a répondu la valise
Ah bon
excusez-moi je croyais qu'on déclarait
a dit le ministre
Vous êtes tout excusé tout le monde peut se tromper
a dit la valise.

— Mossack très vert

Nicolas Graner, d'après Quartier libre de Jacques Prévert.


Perce Yens

Perce yen Perce yen Perce yen
Perce yen Perce yen Perce yen
Perce yen Perce yen Perce yen Perce yen
Perce yen Perce yen Perce yen Perce yen
Perce yen Perce yen
Perce yen Perce yen Perce yen
Perce yen ?

— Louis Harpagon

John Acnee, d'après Persiennes de Louis Aragon.


L'option libre

Panama à la devanture de feu de lois
Aux rangées de gardes fraudeurs
À la gouaille de frontalier
Panama à la gouaille de foutre entre les clans de pingres
Panama à la souche de froussarde et de banquet de voiles de première candeur
Aux fonds d'emprunts de paris blancs de traders blancs
À la gangue de nombre et de leaders frottés
Panama à la gangue d'amnistie poignardée
À la gangue de friqué qui ouvre et ferme les jeux
À la gangue d'expert incollable
Panama aux files de clients de factures de migrants
Aux soucis de records de fruit de clientèle
Panama aux banques courtoises de voix de clercs
Et de fumet d'arbitre
Panama aux contrôles de cocagne
Et de semaine à têtes d'aigrefins dans la place
Panama aux signets de recette
Panama aux lois de bazar et d'arnaqueur
Aux lois de témoin inculpé
Panama aux ficelles de marbre et d'aubaine
De cris de déposants
De mécène et de fruit de dollars
Aux contrats de plume de fer et de ruse
Et de mensonge voilé et de malin
Panama aux offrandes d'accusée
Aux mouvements de trésorerie et de faire-valoir
Panama aux délais de dédale de bureau
Panama aux prêts de capital
Aux prêts de réseaux de clubs aux prêts de malfrats qui déçoivent
Panama au coût de marge gelée
Panama à la morgue de vol d'or
De rendez-vous dans le litige même de la rente
Aux seings d'usufruit
Panama aux seings d'immobilière de ruine
Panama aux seings de protêt du débit
Aux seings de maître de la cause sous l'adjugée
Panama au vendeur de déploiement de crédit-bail d'un jour
Au vendeur de tarif d'attente
Panama au pseudo de réseau qui lit le Capital
Au pseudo de dirigeant
Au pseudo d'éphémère
À la planque de repaire isolé et de frais oubliés
Et de lutte de guerre dans laquelle on tient la gloire
Panama aux créances de dentelle
Aux créances de lucre et de graines de dèche
Et de litiges de coutumes de faux-semblant
De finance sensible
Panama aux espèces de gré et de rente
Panama aux espèces de fardeau et de guigne
Panama aux espèces de sous-traitant
Au socle de bégueule
Panama au socle de faussaire et de saltimbanque
Panama au socle de fugue et de coupons anciens
Panama au socle de tiroir
Panama aux dieux malins des armes
Aux dieux de panacée d'emplette et de resquille vantée
Panama aux dieux de chicane
Panama aux dieux de pourboire à foison
Panama aux dieux de lois toujours sous la hache
Aux dieux de tuyau d'or de tuyau clair de tiers et de voeux

— Cadré Jeton

Bernard Maréchal, d'après L'Union libre d'André Breton.


Clair de lune à Panama

Oh merde, mes tunes !
L'ennemi : l'impôt.
Virons la fortune,
Panama : dépôt.

Les lois ? Que m'importe !
Je n'ai plus de dieu.
Mes deniers j'exporte
Tel un Depardieu.

Jean Fontaine, d'après la chanson populaire Au clair de la lune.


Tout le flouze

Qu'il est loin mon grisbi, qu'il est loin !
Car avec deux ou trois pseudonymes,
Au pays du Canal je l'ai mis.
Des tas d'briques lourdes, anonymes...

Ô mon grisbi, ô tout l'flouze,
Ô tout l'flouze !

Personne n'a rien vu d'mon pactole,
Ma mallette bourrée de pots-de-vin.
Ici on n'sait rien de c'que j'gagne,
Ici je peux à loisir sabler le champagne !

Ô mon grisbi, ô tout l'flouze !

Les rançonneurs du fisc lorgnent sur mon argent,
Ils viennent m'espionner jusque dans les toilettes,
On maltraite mes comptes, on épluche mes traites,
Il y a des raisons de s'en faire, et pourtant

Jusqu'à la Saint-Glinglin ils ne pourront rien voir
Malgré tout leur travail, et ça les rend moroses.
C'est peut-être pour ça qu'ils se mettent à boire,
C'est peut-être pour ça qu'ils risquent la cirrhose.

Je revois les tropiqu's, Cancer et Capricorne,
Les sociétés écran et les banques chinoises,
Le pays qu'on travers' pour éviter l'Cap Horn...
Où peut-on trouver mieux pour blanchir mes ardoises ?

Voici le protocole : euh non, je n'le dis pas ;
Je préfère rester à l'abri des barbouzes.
Je ne divulgue rien, pas même à mon papa ;
Personne ne sait rien, même pas mon épouse.

Aujourd'hui mes holdings sont réglos,
Pour Mossack mes millions sont au chaud.
Si jamais ça fuit de cette ville
Pourrai-je encor' pour un soir m'endormir tranquille ?

Ô mon grisbi, ô tout l'flouze,
Ô tout l'flouze !

— Fraude Loup-Garou

Didier Bergeret, d'après Toulouse de Claude Nougaro.


Contemplatif de l'or

Yen yen, l'euro,
Yen yen yen, l'euro,
Yen yen, l'euro,
Yen yen yen, l'euro
Contemplatif de l'or,
Canal riche en biftons,
Canal d'argent précieux,
Panama l'euroduc,
Contemplatif de l'or,
Boîte écran à millions,
Plus friqué, plus juteux
Que l'est l'oléoduc,
Contemplatif de l'or,
Content, content, contempla,
Contemplatif de l'or.
Yen yen, l'euro,
Yen yen yen, l'euro,
Yen yen, l'euro,
Yen yen yen, l'euro
Sans un soupçon de fisc,
Au Canal on se sucre.
Tu me fis visiter
Fonseca Bank & Co,
Ta Holding Canaries,
Ton Crédit Suisse au noir
Où des blancs triomphants
Échappaient au prétoire,
Contemplatif de l'or,
Content, content, contempla,
Contemplatif de l'or.
Yen yen, l'euro,
Yen yen yen, l'euro,
Yen yen, l'euro,
Yen yen yen, l'euro
Je bisquais au Canal,
Soupesant ma valoche,
Et les banquiers banquaient
Dans l'espace banquant,
Leur silence avouait
Quelque chose qui cloche
Quand soudain je devins
L'écumeur déposant,
Quand soudain j'entendis
Le son de ma sacoche,
Tu arrivais enfin,
Toi l'arnaqueur distant,
Tu plumais l'inspecteur
Et la farce du fisc,
Tes monceaux de monnaies,
Ta filière évasive,
Contemplatif de l'or.
Yen yen, l'euro,
Yen yen yen, l'euro,
Yen yen, l'euro,
Yen yen yen, l'euro
Contemplatif de l'or,
Dès ton aéroport,
Panama débloqua
Aux taxes le sésame,
Mon or ne craignait plus
De voir étioler l'or,
Mon expert fit bon prix
Et sans blâme, Tam-tam,
Tam tam, tam tam, bon prix,
Tam tam sans blâme,
Filou, prudent, retors,
Et de tous ces bilans
Sibyllins au profane,
Chez Mossack on riait
Comme sur un tas d'or,
Comme sur un tas d'or,
Comme sur un tas d'or,
Chez Mossack on riait
Comme sur un tas d'or,
Et j'ai vu mon arnaque,
Comme sur un tas d'or
Qui s'échappe d'ATTAC,
Panama nettoyant.
Contemplatif de l'or,
Tout le monde va descendre
À Panama rapine.
Dans Panama rapine,
Le guichet garde ma monnaie,
Dans Panama rapine
Le Contemplatif de l'or va gonfler,
Comme sur un tas d'or,
Contemplatif de l'or,
Comme sur un tas d'or,
Contemplatif de l'or,
(ad lib. et jusqu'à épuisement des crédits)

— Code Sombrero

Bernard Maréchal, d'après Locomotive d'or de Claude Nougaro.


© les auteurs – avril 2016