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Retour vers Le cothurne étroit

Un gascon nasillard

[...]   Ah ! non, mon gars, tu fais trop court !
Tu pouvais m'agonir sur un air moins balourd.
Voici cinq ou six tons illustrant mon propos :
Attaquant : « si j'avais un tarin aussi gros
Il faudrait illico qu'on fît son ablation. »
Amical : « à coup sûr il choit dans ta boisson.
Pour assouvir ta soif il faudrait un hanap. »
Pictural : « un vrai roc ! un vrai pic ! un vrai cap !
Oh non, pas un vrai cap mais un mont colossal ! »
Ignorant : « à quoi bon un sac aussi royal ?
Y voit-on un crayon ? Plutôt un bistouri ? »
Charmant : « il faut avoir l'amour du gazouillis
Pour fournir un support d'où plus d'un gai pinson
Pourra tout à loisir vous offrir sa chanson. »
Fulminant : « ça, l'ami, si, prisant du tabac,
Tu vas un jour trop fort, ton voisin va-t-il pas
Craignant d'y rôtir vif, courir hors du salon ? »
Suppliant : « vois-tu pas qu'il lui faut un bâton ?
Car sans ça sous son poids tu pourrais choir au sol. »
Mignon : « il lui faudrait un joli parasol
Car sous l'action du jour sa coloration part. »
Savant : « un animal vivant à Zanzibar
Qu'on baptisa hippomastodongirafos
Dut avoir sous son front un aussi gros bout d'os. »
Dandy : « mon bon ami, ton croc a un chic fou !
Si j'avais un bibi j'irais droit à ton clou. »
Ronflant : « nul aquilon glacial, nul sirocco,
N'a jamais sous ton toit conduit l'oto-rhino. »
Craintif : « s'il laissait fuir son sang, l'inondation ! »
Admiratif : « pour un parfum, la promotion ! »
Chantant : « un cor marin ? alors, vous, un triton ? »
Naïf : « quand pourra-t-on courir dans ta maison ? »
Courtisan : « un salut ! car voyant vos grands airs
Chacun dira pour sûr : "il doit avoir du flair !" »
Campagnard : « par ma foi, ça un pif ? oh, nanain !
Plutôt un gros radis ou un potiron nain. »
Martial : « sous vos obus nos rivaux vont mourir. »
Constructif : « à coup sûr on pourrait sans rougir
L'offrir un jour prochain au gagnant du Loto. »
Pour finir, invoquant dans un cri l'Oulipo :
« La voilà donc ici, ton abomination
Dont chacun voudrait tant voir la Disparition ! »


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Nicolas Graner, août 1989, Licence Art Libre